Passionnée de Fitness depuis de nombreuses années, Maïté ELSO a profité du contexte sanitaire pour passer un cap et devenir athlète bikini. Une entrée en matière auréolée de résultats qui lui ouvre rapidement les portes des plus grandes compétitions internationales. Elle tentera prochainement de décrocher une carte pro pour atteindre le plus haut niveau mondial. Rencontre avec une femme qui trace son chemin sereinement et qui partage volontiers une vision du sport basé sur le processus plus que sur l’objectif.
1/ Quand on entend bodybuilding, on pense souvent à des hommes comme Arnold SCHWARZENEGGER, très musclés, très volumineux, à l’allure imposante. Peux-tu nous parler du bodybuilding auquel s’adonnent les femmes ?
ME : Le bodybuilding au féminin n’est pas très éloigné du bodydbuilding masculin. Il y a différentes catégories sauf que forcément on est plus féminine. Ma catégorie c’est Bikini et il y a aussi les catégories Wellness, Figures et Bodybuilding. Cette dernière est la plus proche de celle des hommes où on va chercher vraiment le gros volume.
La catégorie la plus populaire chez les femmes est la catégorie intermédiaire, Wellness, dans laquelle les femmes sont bien développées musculairement mais restent féminines. L’accent est porté essentiellement sur les cuisses mais l’ensemble reste féminin. Elles sont d’ailleurs maquillées, portent des talons, le bikini et des bijoux qui sont règlementaires. Tout ça est très codifié.
2/ Les représentations sur les femmes qui pratiquent la musculation et le culturisme ont-elles encore la dent dure ou cela évolue-t-il dans le bon sens ?
ME : Je pense que ça évolue très doucement, il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau des représentations. Quand on parle bodybuilding, on imagine des femmes masculines, on pense tout de suite aux gros volumes et souvent on se demande pourquoi une femme veut un corps aussi musclé. Pour beaucoup, ce n’est pas féminin, pas sexy, et on préfère les femmes moelleuses, avec des rondeurs. Et finalement, quand les gens prennent le temps de s’y intéresser vraiment, ils découvrent la féminité de la discipline et ils peuvent y prendre goût. Une femme musclée, tonique et bien dessinée c’est joli aussi.

3/ As-tu une anecdote vécue par rapport à ton statut d’athlète bikini fitness ?
ME : J’en ai plein, forcément ! Comme c’est assez nouveau dans ma vie, les gens qui me connaissaient en tant que Miss, parce qu’à la base j’ai un parcours de Miss, me demande ce que je recherche en estimant que j’avais déjà un corps parfait. On m’a beaucoup demandé pourquoi j’ai ce besoin de me muscler, en me disant que je vais avoir les fesses carrées. Bien au contraire, dans ma catégorie, on doit avoir des fesses musclées mais en restant rondes. On m’a bien sûr aussi dit que j’allais ressembler à un homme, que j’allais devenir très trapue. Encore une fois, on recherche un équilibre et une harmonie générale du corps.
Concrètement, au début c’était un peu compliqué surtout pour mes parents parce que partir à 14 ans ½ c’est tôt. D’habitude, on part de chez ses parents vers 18 ou même 20 ans. Moi, je m’y suis fait assez vite et ça s’est bien passé je pense.
4/ Personnellement, comment en es-tu arrivée à te présenter sur les plus grands podiums de la Caraïbe et d’Europe (Paris, Rome) pour des compétitions internationales ?
ME : A la base, j’allais déjà très régulièrement en salle et je suis passionnée de fitness. J’ai commencé la musculation en 2017 et, tout de suite, des coachs m’ont dit que j’avais une bonne base. A ce moment, ça ne m’attirait pas du tout parce que moi aussi, comme je n’y connaissais rien, j’avais des a priori. Je ne voulais pas devenir trop carrée. Et puis en rencontrant et en discutant avec d’autres athlètes, on change un peu de regard et on voit un peu mieux la réalité des choses.
Ensuite, la covid-19 est arrivé et comme beaucoup, je me suis dit que c’était une opportunité. J’ai pu me dégager du temps, ce qui est essentiel pour développer une préparation sérieuse. Après deux ans perturbés, je me suis dit que c’était l’occasion pour me focaliser sur un projet personnel. Du coup, en l’absence de compétitions locales à cause de la situation sanitaire, la présidente de la fédération m’a proposé d’aller directement sur une compétition internationale. Je me suis donc préparée pour aller concourir à Saint-Domingue où j’ai terminé dans le top 5. J’ai alors voulu continuer et tester les différentes fédérations, ce qui m’a amené à Paris et à Rome, entre autres. Je suis ainsi devenue vice-championne du monde de ma catégorie.
« Une femme musclée, tonique et bien dessinée c’est joli aussi »
5/ Que t’apporte cette aventure et cette pratique régulière du sport depuis toutes ces années ?
ME : On dit souvent que le sport c’est l’école de la vie. Ça apprend justement à travailler quotidiennement, à tenir un objectif, à se dépasser. C’est peut-être des choses qu’on ne fait plus beaucoup au quotidien, avoir des objectifs et s’y tenir. C’est du travail mais en même temps ce n’est pas le bagne. Même si de l’extérieur ça semble très difficile, il y a tellement de satisfactions. Si on fait l’effort, on a la récompense ! Le travail paie toujours et ça fait du bien puisque ce n’est pas toujours le cas dans la vie de tous les jours. C’est important aussi pour l’équilibre personnel et pour se renforcer pour justement affronter la vie.
6/ On entend donc un mode de vie, un lifestyle spécifique qui s’organise autour de ton corps, comment définirais-tu ton rapport au corps en tant que femme d’une part et en tant qu’athlète d’autre part ?
ME : Paradoxalement, et je pense que ça doit être commun aux personnes qui « travaillent » avec leur corps (mannequins, danseurs,…), on n’est pas du tout focus sur notre corps. Je ne passe pas mon temps à me regarder, à regarder si les abdos sont sortis ou pas, ou si j’ai telle ligne. Je suis plutôt concentrée sur ce que j’ai à faire pour avoir le résultat. Le résultat se trouve le jour J de la compétition, au bout du processus donc on est limite détaché de notre corps pendant la préparation. Je pense que ça simplifie beaucoup pour les femmes le rapport au corps. On retrouve d’ailleurs pas mal de compétitrices qui par le passé avaient des troubles alimentaires qui ont réussi à se « soigner », à s’équilibrer et à restaurer le regard qu’elles ont sur elles-mêmes grâce au sport et au bodybuilding.
On parle de lifestyle mais c’est presque une philosophie parce que tout ça est très intellectuel. Tout se passe dans la tête. Le mental est au centre du processus. Ensuite, au fil de l’évolution, on apprend beaucoup de choses sur le corps humain et son fonctionnement. C’est une vraie science qui permet au final de se sentir puissant, de maîtriser son corps et d’être vivant tout simplement !

9/ Quels sont tes prochaines échéances et ambitions ?
ME : La prochaine échéance c’est le Grand Prix Caribéen aux Bermudes très prochainement où j’espère gagner la carte PRO. J’avoue que ça me plairait beaucoup pour le symbole de l’obtenir lors d’une épreuve tenue dans la Caraïbe.
Si jamais je ne l’obtiens pas, parce que ce n’est pas facile, la prochaine Pro Qualifier française à lieu fin septembre 2022 à Lille. Et éventuellement, si je n’ai pas la carte Pro, j’irai peut-être à l’Olympia amateur au Portugal en Juillet 2022. A défaut d’accès à l’Olympia Pro, je pourrais quand même participer à l’épreuve amateur qui est tout aussi prestigieuse.
10/ Si tu devais transmettre un message aux femmes qui nous lisent et qui ont du mal à se lancer dans la pratique sportive ou à trouver une régularité ?
ME : Le meilleur moyen de se mettre au sport ou d’y trouver une régularité c’est de ne pas le faire pour des objectifs uniquement physiques mais vraiment de prendre conscience que la pratique sportive apporte un bien-être psychologique. Ça rend plus forte, on est mieux dans sa tête, on se sent bien et on dort mieux. Et tout ça, ça change vraiment la vie, au-delà de nos fesses, nos cuisses ou nos bras.
- Sylvain ZEQUES