4 questions à Nathalie PINSON, Préparatrice Mentale

4 questions à Nathalie PINSON, Préparatrice Mentale

Doucement mais sûrement la présence d’un psychologue ou d’un préparateur mental se « normalise » et s’assume dans la communication des sportifs de haut niveau. La préparation mentale est une composante importante de l’équilibre du sportif. Impossible de performer si l’athlète n’est pas en phase avec son projet et avec lui-même mentalement.

Comment, dès lors, aborder la question d’un changement de repères que constitue un départ à 8 000 kms de son île, qui plus est concernant des adolescents, sans apporter un éclairage sur ce champ ?
Nathalie PINSON, Diplômée Universitaire en Préparation Mentale et Aide à la Performance, intervenante dans de nombreuses structures en Guadeloupe (CREPS, Pôle Handball,…) et auprès de nombreux sportifs (Wilhem BÉLOCIAN, Méline NOCANDY,…) répond à nos questions.

1/ Parmi ces jeunes sportifs amenés à quitter la Guadeloupe, quels sont les différents profils existants ?

Le grand départ de l’île vers la métropole ou l’occasion de perdre/ prendre de nouvelles habitudes, de sortir de sa zone de confort pour entrer dans une immense zone d’apprentissage synonyme de challenges et d’adaptation. Période que le mental n’apprécie pas forcément car plus à l’aise dans ses routines encore plus quand il s’agit de performer.
Et quand cela se passe en pleine période d’adolescence où tellement d’éléments se mettent en place (niveau physique, métabolisme, construction de l’identité,  des nouvelles valeurs propres, du mental, début des carrières professionnelles sportives,…); le jeune sportif entre et vit pleinement l’expérience du champ des possibles.
Durant cette période charnière cinq grands profils « types » se dessinent :

Celui/celle qui est cool, tranquille, qui se prend pas la tête, est pleinement ancré(e) dans son présent, prends les choses comme elles viennent et expérimente le lâcher prise sur les événements. A partir du moment où il sait quand il part et où il va, il fera ce qu’il y a à faire en temps en et heure, à son rythme! Sa i fet bel! Et généralement, ce sont les autres autour qui stressent pour lui! J’ai privilégié le « il » car se sont plus fréquemment les jeunes garçons qui correspondent à ce type de profil.

To do list, planification des rendez-vous, communication, prise d’informations sur le club ou le centre de formation d’accueil, le staff, les référents, les partenaires,… Sa famille, son entourage sont pleinement impliqués et la distribution des tâches est répartie entre chaque membres de « l’équipe des proches ». Souvent détecté(e) tôt, mâture pour on âge , habitué(e) aux divers déplacements en stages, compétitions ou autre, le grand départ est une étape attendue, visualisée et organisée de longue date.

Celui ou celle dont la détection lors d’un match, entraînement meeting ou stage a été un coup du destin. Ni lui (elle), ni sa famille n’osait l’espérer vraiment. Vivant un rêve quasi éveillé, il/elle a souvent très peu de temps pour véritablement se préparer son départ, s’informer et prendre contact avec sa nouvelle vie sportive qui l’attend là bas. « On verra bien ce qui m’attend quand j’y serai et, au pire, je pourrais toujours revenir. J’ai tout à gagner dans cette aventure ».

Il/elle est attaché(e) profondément à sa famille, ses valeurs, son île et ses richesses qui lui ont tant apportés. Il/elle vit ici dans un véritable cocon qui lui convient parfaitement. Cependant faute de moyens logistiques, d’opportunités de carrière dans sa discipline, c’est la mort dans l’âme qu’il/elle doit faire le grand saut en métropole et affronter en plus grande autonomie les nouveaux challenges qui l’attendent. C’est un sacrifice mental et émotionnel plutôt coûteux pour ce genre de profil.

Ouloulou ! Branle-bas de combat. Face au départ on se pose et pose mille et une questions. On est hyper content(e) de pouvoir partir mais on est aussi au bout de sa vie ! Son mental tourne en boucle H24 sur fond de scénario catastrophes dans les cas les plus poussés. Il/elle se projette en toutes futures situations sous l’impulsion du mental pour se donner l’illusion du contrôle en vue de l’apaiser.  Dans l’appréhension, une multitude de détails sont passés en revue. Le sommeil et le quotidien en deviennent impactés négativement. Les « champions olympiques toutes catégories du mental chouboulé » comme je les prénomme affectueusement.

Chacun vivra évidemment son expérience du grand départ de manière unique. Ces cinq profils donnent une indication des réactions que peuvent avoir ces jeunes sportifs de manière non exhaustive. Il n’y a pas de bon ou mauvais profil il faut juste être pleinement conscient de son potentiel et de ses failles.

2/ Quels sont les indicateurs permettant de savoir que c’est le « bon moment » ou que le jeune a la maturité nécessaire ?

Le bon moment est la synchronicité des événements. Quand tout s’enchaîne de manière fluide j’ai envie de dire ! Quand le projet a été bien travaillé et que tous les acteurs impliqués jouent leurs partitions.

Le jeune sportif prêt est celui qui a émis l’envie de partir depuis des mois ou années. C’est celui qui s’implique et qui est assez autonome dans la gestion de sa logistique (planning, réveils, temps de récupération, gestion linge, accéssoires etc…). Il va faire preuve de maturité en s’appliquant à respecter les échéances sans que ses les parents aient à les lui rappeler constamment. Il va aussi prendre quelques initiatives, faire des recherches sur les clubs, centres de formation où il souhaiterait continuer sa pratique sportive par exemple.

3/Pour quel type de sportif le départ se passe le mieux ?

Ceux qui  généralement s’en sortent le mieux lors de cette période de transition, sont ceux qui pratiquent les sports collectifs. Certainement parce qu’ils restent entourés et dans un cadre de référence collectif en tous temps.

4/ Quels conseils peut-on donner à ces jeunes et à leurs parents pour appréhender au mieux l’expérience du départ ?

Pour les sportifs:

Je vais entretenir un vieux cliché mais l’adaptation est la clef!  À ce stade, tout le temps de votre carrière et même après : tout est possible! Alors vivez et donnez vous à fond. Trompez-vous, recommencez, vous avez tout le temps pour ça! Vous avez toute votre carrière sportive unique qui vous tend les bras!

Seconde clef: la communication. N’hésitez pas à partager durant cette période avec vos proches, ils restent votre atout soutien. Les réseaux et nouvelles technologies facilitent grandement les choses, même si cela ne remplacera jamais la présence physique de ceux que vous aimez.
Il y a bien évidemment le staff technique administratif médical et/ou mental en interne ou externe, référents familiaux ou amicaux vivant sur place, à qui vous avez toujours la possibilité de faire appel en cas de besoin.

Pour l’entourage:

Les sportifs qui réussissent sont les mieux préparés: ceux dont on a développé le sens de l’adaptation, l’autonomie, la maturité et le sens de communication dès le plus jeune âge. Si votre enfant s’inscrit dans une parcours de sport de haut niveau gardez en tête qu’il y a des chances qu’il quitte prématurément le foyer: 10 -11 ans pour les surdoués de leur disciplines!!
Accompagnez les jusqu’au bout selon vos moyens humains financiers et logistiques. Les petites ou grandes marques d’attachement sur toutes les formes ont leur importance!
Votre présence physique est vivement conseillée durant les trois premières semaines d’adaptation. C’est le temps nécessaire pour se créer de nouveaux repères, contacts, routines etc. Certains centres ne permettent pas de séjourner, d’assister aux entraînements ou d’échanger avec le staff en dehors des temps prévus. Si cela est possible, partez avec lui une semaine avant la date de prévue en club ou centre. Profitez en pour effectuer activités variés avec du temps qualitatif. Cela aide énormément à la transition.

Votre présence physique est vivement conseillée durant les trois premières semaines d’adaptation. C’est le temps nécessaire pour se créer de nouveaux repères, contacts, routines etc. Certains centres ne permettent pas de séjourner, d’assister aux entraînements ou d’échanger avec le staff en dehors des temps prévus. Si cela est possible, partez avec lui une semaine avant la date de prévue en club ou centre. Profitez en pour effectuer activités variés avec du temps qualitatif. Cela aide énormément à la transition.

Faites confiance…mais pas trop! Soyez présents mais pas intrusifs. Votre stress est communicatif et vos enfants en sont les éponges privilégiées. Votre enfant a certainement reçu les bonnes bases d’éducation qui l’ont mené à son actuelle réussite. Ses bases et valeurs pour la plupart, vont le suivre toute sa vie.
Sachez apprécier et tirer aussi avec lui les leçons tirées des éventuels échecs ! Le plus important est qu’ils sachent que vous serez toujours là en cas de besoin. Et qu’ils aient suffisamment confiance en vous pour communiquer ouvertement sur tous les sujets.

Au bout d’un moment vous constaterez que les échanges téléphoniques ou autres avec votre enfant s’espacent. Tout va bien ! Avec l’intensification des activités du planning ajouté au décalage horaire il n’auront quasiment plus de temps « off » et en profiteront certainement pour dormir ou pour les amis. Les échanges écrits sont alors à privilégier.
Si y avait un seul conseil à donner: Faites confiance à votre instinct parental…il saura aussi vous prévenir en cas de besoin!

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