© Gérard Héloise
Rejoindre les parquets, sentir de nouveau la tension du match, revivre la cohésion de l’entraînement et du groupe, Ludovic Vaty en a rêvé. En 2014, son monde s’écroule quand on lui découvre une cardiomyopathie dilatée. En clair, une partie de son cœur ne tient pas le rythme et bat plus faiblement que l’autre. Il est déclaré inapte au sport, car en danger de mort. Aujourd’hui stabilisé, il évolue au JSA Bordeaux Métropole Basket, après avoir été sacré MVP* de la NM1, la saison dernière. Rencontre.
TIM’s : MVP la saison dernière, nouvelle recrue du JSA cette saison, comment ça se passe pour vous, maintenant ?
Ludovic Vaty : Ça se passe vraiment très bien. D’autant que j’ai entamé la saison avec un peu de retard par rapport aux autres. Je devais avoir l’accord des médecins avant de pouvoir rejoindre les entraînements. Mais, depuis, j’ai bien intégré le groupe et nous avons fait une bonne première partie de saison.
TIM’s : Justement, quand un joueur a votre type de profil, comment se négocient ses contrats ?
LV : C’est un peu plus compliqué, c’est clair. Tout d’abord, il faut passer une batterie de tests sous la houlette du cardiologue. C’est lui qui dicte le destin de la saison. Tant qu’il ne donne pas son feu vert, je ne peux pas prétendre signer un contrat. Les clubs qui sont intéressés par mon profil sont au courant de mes contraintes. Mes entraînements sont limités à trois par semaine et j’ai droit à 25 minutes de temps de jeu. C’est donc très différent du rythme de mes coéquipiers qui, eux, s’entraînent tout le temps.
TIM’s : Votre carrière a démarré très fort. Vous faites vos armes à la MJCA, en Guadeloupe, et puis vous allez en France en rêvant de NBA, vous allez même passer des Drafts. À ce moment, personne ne se doute de rien ?
LV : Non, je passe les workout** de la NBA sans qu’on ne voit rien. Enfin presque, ils avaient repéré un souffle au cœur, mais sans que ça n’affole personne puisque beaucoup de sportifs en souffrent. C’était en 2010, la veille de la Draft, et je n’ai pas eu le temps de faire de contre-visite. Le couperet tombe en 2014, en fin d’année avec le BCM Gravelines. On a décelé cette maladie qui est arrivée assez rapidement, car le même test passé en janvier ne révélait rien, alors qu’en juin de la même année, il était positif.
TIM’s : Vous avez connu l’intensité du haut niveau, n’est-ce pas frustrant pour vous de tenir un planning a minima ?
LV : Dans mon cas, c’était une bénédiction de revenir. En premier lieu, c’est la fin pure et simple de ma carrière qui était annoncée. Je ne devais pas du tout reprendre le basket. C’est parce que mon état s’est amélioré que j’ai pu revenir, mais uniquement sous certaines conditions. Tout ce qui m’importe, c’est de jouer, même un peu. La frustration est présente, car quand on me demande de sortir, je ne me sens pas mal, je ne sens rien, et pourtant je dois quitter le jeu. Il faut gérer son émotion. Désormais, c’est l’expérience qui aide. J’ai de la chance d’être là, je ne peux pas faire le fou.
TIM’S : Même avec un état stable, les Bleus, c’est inenvisageable ?
LV : Une sélection avec les Bleus, c’est le très haut niveau. C’est fini pour moi. En réalité, je prends ce que je peux prendre. Avec Bordeaux, je prépare doucement ma pré-retraite. Je le fais d’ailleurs avec toute l’équipe médicale. Personnellement, je me sens la force de continuer, mais c’est toujours mon équipe médicale qui aura le dernier mot. Pour l’après, j’ai commencé à passer mes diplômes d’entraîneur et, en même temps, j’ai créé une entreprise. Il se peut bien que je doive être actif à la fois sur et en dehors des parquets.
TIM’S : Allez-vous vous engager dans une cause pour sensibiliser les sportifs aux maladies cardiaques ?
LV : Évidemment. Les sportifs sont concernés à 100 %. Mon témoignage et celui de tous ceux qui sont concernés vont sensibiliser les personnes qui sont dans le même domaine sportif que nous. D’ailleurs, je me suis rapproché d’associations pour sensibiliser tous les sportifs de haut niveau aux maladies cardiaques ; mon histoire est loin d’être unique. Tout le monde peut être concerné un jour.
*Most Valuable Player (meilleur joueur)
**Les entraînements
- Priscilla Romain