Euphémie Dartron : « Il faut que ma situation devienne banale »

Euphémie Dartron : « Il faut que ma situation devienne banale »
Euphémie Dartron.

Elle a réussi à imposer son style dans un monde d’hommes. Après deux ans de travail à la tête de l’équipe masculine de l’ASUP, elle a réalisé le doublé Coupe/Championnat. Au-delà des résultats patents, c’est une véritable évolution que l’ex-joueuse de national a emmené au sein de son groupe : une rigueur professionnelle et une philosophie de vie. Pourtant, pour beaucoup, Euphémie est une jeune femme noire avant d’être un entraîneur compétent. Rencontre en cinq punchlines d’une femme qui ne mâche pas ses mots.

« Pour jouer une compétition, la motivation est plus palpable chez les hommes. »

Après avoir entraîné des équipes de jeunes filles, notamment des U17 sur Paris, Euphémie Dartron connaît toutes les manières d’approcher le handball de compétition. Une expérience qui lui permet de mieux sonder les groupes qu’elle doit leader. Selon son ressenti, la différence entre le coaching d’un groupe d’hommes et d’un groupe de femmes est nette. Les femmes sont plus ambigües quant à leurs motivations, elles sont plus compliquées à sonder. Veulent-elles passer un moment ensemble ou gagner des titres ? Un trouble souvent inconfortable, surtout quand on doit se battre pour donner des gages quant à sa compétence en tant que formateur.

« Dans mon cas, j’appelle cela le triple carton jaune : je suis une femme, jeune et noire. »

Une triple barrière qu’Euphémie apprend encore aujourd’hui à démolir. C’est le plus dur des combats. Se lever tous les matins en se disant qu’elle est compétente dans son domaine et que cela ne se réduit pas au triptyque : femme, jeune et noire, alors même que le racisme et le sexisme ambiant ne veulent la réduire qu’à cela.

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Euphémie Dartron.
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© Pascal Bourbonnaud

« Je ne dénonce pas le fait que l’on ne donne pas la chance aux femmes, je dénonce le fait que les femmes ne prennent pas leurs chances. »

Euphémie Dartron en est persuadée, les anciennes joueuses doivent plus occuper le terrain du handball, afin de le faire progresser. Une augmentation de la visibilité des femmes coachs, arbitres ou membres des conseils d’administration des clubs, rendrait sa situation banale. Il serait aussi plus simple à chacune de pousser les portes et de faire sa place dans ce milieu très masculin. Ne pas se battre en tant que femme dans le milieu du handball, mais se battre pour le handball tout simplement. À l’instar de l’action de Didier Dinart en Guadeloupe, elle espère voir des potomitan s’ancrer dans tous les clubs.

« La victoire en coupe sera oubliée dans une semaine. »

Aussi grandiose que soit l’exploit, le temps médiatique lui imposera sa – très proche – date de péremption. « Il est nécessaire de mettre en lumière les efforts qui ont été nécessaires à la victoire ; c’est-à-dire, dans son cas, remarquer le travail fourni par une jeune équipe (21 ans de moyenne d’âge) en deux saisons pour gagner un titre. » Exigeante et perfectionniste, Euphémie n’hésite pas à détailler les raisons du succès. 90 séances d’entraînements, 27 séances vidéo et plusieurs heures de travail collectif ont bâti la victoire. Le résultat est la finalité, non le chemin ; un peu comme lorsque l’on cuisine. L’important est d’avoir réussi la recette, pas d’avoir mangé.

« Je me donne à 150 % dans tout ce que je fais, sans chercher à avoir de retour, car peut-être que demain, je ne pourrais plus. »

Au-delà de la technique, Euphémie Dartron inculque une véritable philosophie de vie à ses joueurs, arriver à prendre le temps de donner à l’autre. Pour devenir de grands hommes, même les plus petites choses, telles que faire son lit, comptent. Et il faut être capable de les répéter. C’est cette philosophie de vie qu’elle veut transmettre afin que ses joueurs (qu’elle aime aussi appeler ses coéquipiers) se couchent avec la certitude d’avoir tout fait pour devenir quelqu’un de bien.

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