Chez la famille Vincent, nous demandons la mère, le frère et les sœurs. Depuis près de 10 ans, Daniella Vincent, mère de famille, mais surtout femme anti-sport, a dû revoir ses priorités pour les faire tourner autour de ses enfants. Avec une grande sœur et des jumeaux passionnés d’escrime, elle s’est résolue à tout mettre à la disposition de leur réussite.
Gymnase Marius Taupe, Baie-Mahault, vendredi 18h. Dans la salle, des jeunes pongistes partagent l’espace avec les escrimeurs, et sur un banc, Daniella est entourée de ses deux enfants. Les jumeaux, Isaïe et Mélanie, 9 ans, apprennent leurs leçons, pendant que Bénédicte, 16 ans, tire avec les espoirs du club. Cette scène représente le quotidien de cette famille, qui est complètement immergée dans l’escrime. La rentrée scolaire, c’est avant tout la reprise d’une course hebdomadaire entre l’école et les entraînements, non pas pour un, mais pour trois enfants qui nourrissent tous des ambitions pour le haut niveau. “Ce n’est pas évident d’accompagner mes sportifs, d’autant que je ne suis pas sportive du tout. Je n’aime pas le sport. C’est Bénédicte, ma fille aînée, qui m’a fait découvrir cet univers, et je me demande encore de qui elle tient cela.” Et pour comprendre ce milieu, Daniella Vincent a dû travailler, faire des recherches. Car en dépit de ses goûts personnels, elle tenait à être aux côtés de Bénédicte. Google son ami, lui offre toutes les informations sur l’escrime de haut niveau. “Ma fille aînée a un gros mental. J’ai dû apprendre les bons mots à lui dire pour la cadrer, l’accompagner et trouver ma place à ses côtés. Je dois me canaliser pour leur donner le bon message. Rien ne s’est fait par hasard” Rien du tout en effet, car les jumeaux, eux aussi, commencent vite à demander leur fleuret. “Isaïe a beaucoup insisté, au bout d’un moment j’ai dû céder.” Retour donc aux compétitions du dimanche, aux goûters préparés en amont, et surtout à l’achat de matériel.
Un investissement financier
L’accompagnement émotionnel est sans prix, mais le matériel, lui, vient avec un code-barres. Avec trois enfants fleurettistes, Daniella, qui ne travaille pas, est passée maîtresse dans l’art d’aligner les chiffres pour trouver l’équilibre. “C’est énorme, entre la veste, le casque, les chaussures, pour mes trois enfants, c’est un budget considérable” souffle-t-elle. Surtout pour Bénédicte qui doit régulièrement “tirer” dans l’Hexagone. Annuellement, ce sont près de 20 000 euros que Daniella investit sur sa fille aînée. “Quand elle part, pour limiter les coûts, je ne l’accompagne pas.” Une situation compliquée à vivre au départ, pour Bénédicte, mais qui se normalise avec les années. Pour supporter ces frais, Daniella doit se résoudre à demander du sponsoring, une nouvelle tâche que la maman n’avait pas prévu d’intégrer. “J’ai créé un dossier, mais j’ai encore du mal à aller démarcher des partenaires, et quand j’y arrive, les réponses ne sont pas concluantes.” Or, le financement complet de ces frais devient de plus en plus compliqué, d’autant que les jumeaux demandent aussi un investissement de 800 euros annuels. Pour autant, Daniella Vincent n’abandonne pas. Elle a chez elle, potentiellement, trois enfants à l’INSEP. “Je veux juste qu’ils aillent au plus loin dans leurs ambitions.” Les défis ne font que commencer
- Priscilla ROMAIN