Covid-19, la résilience du mouvement sportif guadeloupéen

Covid-19, la résilience du mouvement sportif guadeloupéen

Crédits Photos : Sylvain ZEQUES

Le 16 Mars 2020, le Président de la République a annoncé des mesures de confinement pour contrer l’épidémie de Covid-19. Initialement annoncé pour 15 jours, ce confinement durera près de deux mois et changera nos habitudes de vie de façon brutale. Le mouvement sportif, partie intégrante de la société, n’a pas été épargné par ce coup d’arrêt. Comment en Guadeloupe ce coup dur a-t-il été vécu ? Quelles ont été les réactions ? Regards croisés à trois niveaux différents avec une Ligue, un Club et une éducatrice sportive indépendante pour tenter de comprendre où en est le mouvement sportif guadeloupéen un an après et comment s’envisage l’avenir.

Quelque soit la place occupée dans l’espace sportif, le constat est le même. Le coup a été rude de par sa temporalité, de par son importance et de par l’incertitude de sa durée.

Ainsi, à l’annonce du confinement, la Ligue de Judo de Guadeloupe était en pleine saison sportive avec un calendrier bien rempli, au plus fort de la saison avec des compétitions et des déplacements prévus. L’arrêt des activités a été brutal, comme au pire moment de la saison.

Dans le même temps, le Sporting Club de Dugazon (anciennement Tennis Club N.D.L.R.) se souvient avoir été mis soudainement devant le fait accompli dans cette situation nouvelle. La fermeture du club a été difficile, comme une onde de choc inédite. 

Quant à Audrey WRZENSINSKI-GASPARD, Educatrice Sportive Indépendante, qui avait senti les choses venir, la décision de se réorganiser a été très rapide mais avec une inquiétude forte autour de la durée du phénomène. La nouvelle planification a été complexe, comme le début d’une histoire sans fin à laquelle on ne veut pas croire.

Malgré tout et imprégnés de valeurs qui depuis toujours sont associées à la pratique sportive, les acteurs du sport guadeloupéen ont mis le bleu de chauffe et sont entrés en résistance à grands renforts de courage, de solidarité et d’adaptation.

Crédit Photos : Freepik

« Entretenir le lien et la dynamique collective »

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Sandrine GUEYRAUD, Directrice Sportive du Sporting, et son équipe ont dans un premier temps axé leur travail sur la conservation du lien avec les adhérents via des groupes whatsapp notamment. Au delà du lien sur les terrains et la vie du club, « il y a ce lien qu’il ne fallait pas couper du jour au lendemain pour montrer qu’on n’abandonnait personne et que, dès qu’on aurait la possibilité, on allait repartir ». Même enjeu pour Audrey qui a vu ses journées de travail s’étirer de 06h00 à 23h00 pour proposer à l’ensemble des groupes qu’elle accompagne des séances filmées avec son téléphone. Un gros travail que l’Educatrice ne regrette pas aujourd’hui : « J’étais dans l’action, je ne me suis pas posé de questions. L’important pour moi c’était que les gens ne se sentent pas abandonnés ». Du côté du judo, Patrick JAFFART, Président de Ligue au moment du confinement, décide avec son comité directeur que « les budgets qui devaient être consacrés aux événements seront réorientés vers l’accompagnement des clubs et la communication pour aider la reprise ».   

Dès le déconfinement, les dirigeants de clubs et les éducateurs sportifs réouvrent en majorité les portes de leurs clubs ou associations après avoir mis en place des protocoles reçus des fédérations le plus souvent. Une reprise appréciée mais rendue complexe au regard des exigences fédérales ou gouvernementales. La solution réside alors souvent dans la démultiplication des créneaux qui génère fatigue et frustration chez Audrey qui aime cet « échange d’énergie » avec ses groupes, notamment en Zumba. Pendant ce temps, sur les cours de Tennis à Dugazon, l’équipe technique assure des cours de 08h00 à 22h00 pour répondre à la demande et compenser les cours manqués. La frustration elle est énorme dans les clubs de judo avec une pratique limitée aux moins de 18 ans et avec un protocole interdisant les contacts à cette période.

« Entretenir le lien et la dynamique collective »

A l’heure de lancer la saison 2020 / 2021, la stratégie semble relativement claire pour chacun de nos témoins. Sandrine Gueyraud s’appuie « sur une politique de développement et sur la recherche du projet qui va faire vivre la structure » et estime être « face à un challenge simple : soit on se laisse mourir, soit on change notre vision et on crée de nouvelles choses ». Le Tennis Club Dugazon change alors de statut pour devenir le Sporting Club de Dugazon et s’ouvre à de nouveaux horizons avec notamment des stages multisports ou la création d’une Ecole des Sports. La Ligue de Judo, présidée depuis septembre 2020 par Fred NOMED, organise quant à elle son calendrier prévisionnel « à partir des protocoles de la FFJDA et des mesures préfectorales qui réduisent le champ d’actions habituel. Nous avons donc depuis le début de la saison mis les énergies et les moyens sur la pratique des jeunes jusqu’à 18 ans, ainsi que sur la formation des enseignants et des dirigeants à travers l’Institut Régional de Formation et d’Entraînement Judo Jujitsu. Les passages de grades sont également autorisés dans le respect des protocoles sanitaires. »

Indépendante, Audrey n’a pas eu le temps de se poser de questions. « Je savais ce que je voulais, je veux bosser, je dois bosser donc je n’avais pas trente six solutions. L’important était de mettre en place des formes de pratiques qui répondent à la loi et aux mesures sanitaires, ensuite j’ai foncé ! ».

« C’est compliqué mais on est au combat ! »

Un an après le début de cette crise sanitaire, Audrey souligne que « malgré l’impression que certains ont eu d’avoir les deux bras cassés et que rien n’était possible, beaucoup de choses se sont réalisées. Certains ont développé leur activité,  certains ont fait preuve de solidarité, donc c’est que des choses sont faisables. C’est compliqué mais on est au combat ! ». Le Président NOMED, quant à lui, déplore une perte de 32% de licenciés pouvant s’expliquer par le fait que le judo réunit deux critères « dérangeant » dans le contexte actuel « nous sommes un sport de préhension donc impliquant un contact important entre les pratiquants et nous évoluons dans des dojos donc avec une pratique en salle ». Il compte néanmoins « poursuivre le travail en direction des jeunes et des cadres, en espérant prochainement une reprise de la pratique des adultes et la reprise des échéances nationales qui serait synonyme d’amélioration de la situation ». A Dugazon, on voit le verre à moitié plein et « un contexte qui fait que chaque fois on est obligé de repenser et d’avoir une stratégie dans la raquette. Ça permet d’alimenter le cerveau et c’est une bonne chose aussi ».

C’est donc dans des disciplines et des contextes différents que chacun évolue mais la philosophie semble la même. Si les mesures se renforcent, ils feront avec ! Si les mesures se renforcent, ils s’adapteront encore et encore ! Guidé par cette même passion du sport et par ce qu’il apporte à notre société sur le plan humain, social et sanitaire, le mouvement sportif guadeloupéen est en résilience.

Sylvain ZEQUES