Fanny QUENOT : « S’accomplir en tant que femme et sportive de haut niveau ! »

Fanny QUENOT : « S’accomplir en tant que femme et sportive de haut niveau ! »

Depuis quelques semaines maintenant, une absence sur les lignes de départ des grands rendez-vous de la planète athlétisme a été remarquée. Fanny QUENOT, en quête d’un billet pour les Jeux Olympiques de TOKYO il y a moins d’un an de ça, n’est plus au départ. Une absence qui a d’abord inquiété certains avant de laisser place à une nouvelle réjouissante. A 31 ans, la spécialiste des haies attend un heureux événement et compte bien concilier sa grossesse et la poursuite de sa carrière d’athlète de haut niveau. Rencontre avec une guadeloupéenne simple, lucide et déterminée.

1/ Le désir d’enfant semble être un projet de longue date pour toi, 5 ans environ. As-tu, comme près de 35 % des sportives de haut niveau, été stressée à l’idée de repousser cet événement en raison de ta carrière sportive ?

FQ : Oui, effectivement ça fait 5 ans maintenant que je pense à faire un enfant. Étant dans l’élan de ma carrière sportive, j’ai repoussé l’échéance à chaque fois et je pensais plus aux objectifs sportifs et professionnels. Le désir d’enfant était pourtant déjà là. Dans le haut niveau et en athlétisme, on n’a pas toujours de stabilité financière au début donc je voulais d’abord stabiliser ça avant d’avoir un enfant. Du coup, maintenant que c’est fait, je peux me le permettre. Je n’aurais pas pu attendre une année de plus parce que ça fait un moment que l’envie est là. C’est vrai que les échéances sportives à travers une olympiade font qu’on repousse toujours le projet de bébé.

2/ Bébé pointera vite le bout de son nez et Paris 2024 débutera moins de 2 ans après. As-tu l’impression de tenter un « coup de poker » au milieu d’une olympiade exceptionnellement courte ?


FQ : J’ai décidé de ne pas me prendre la tête. Effectivement, je pense aux Jeux de Paris 2024 mais je reste réaliste. Si je vois que mon corps ne répond pas, je ne vais pas forcer. Je vais tout donner pour revenir mais je sais que ça va être chaud. Dans tous les cas, je n’aurais pas pu repartir sur une olympiade sans enfant. Je n’en pouvais plus et ça fait trop longtemps que je repousse. Et puis, mentalement ça m’a fait défaut ces derniers temps, je n’étais pas bien dans ma tête, je ne pensais qu’à ça.

3/ A quelles représentations ou contraintes, as-tu dû faire face dans cette période ?

FQ : Personnellement je n’ai jamais eu trop de souci à ce niveau-là mais j’ai vu beaucoup d’athlètes femmes perdre des contrats pendant et après une grossesse. Ça m’a beaucoup peiné et je me disais « mais si je veux faire un enfant ça va m’arriver, on va me lâcher ! », « je n’aurai plus d’aides, plus d’accompagnements ». Au final, ça a généré chez moi un petit blocage et je n’ai pas osé en parler. J’ai alors gardé mon désir d’enfant pour moi, comme secret. J’en ai parlé tardivement à mon employeur, qui l’a très bien pris d’ailleurs, mais ce n’est pas normal d’avoir peur de dire qu’on veut un enfant.

 

4/ C’est très insécurisant tout ça ?

FQ : C’est exactement ça ! Insécurité de perdre ton statut de sportive de haut niveau, insécurité de perdre tes sponsors, les nouveaux sponsors peuvent se dire « elle revient de grossesse, elle ne fera plus de résultats après », c’est cet ensemble qui fait peur au final.

« Ce n’est pas normal d’avoir peur de dire qu’on veut un enfant »

4/ Tu es depuis quelques mois enceinte et donc désormais dans une triple dimension sur la question de ton rapport au corps : ce corps qui fait de toi une femme, celui qui performe et celui qui porte la vie. Comment vis-tu cela au quotidien et comment envisages-tu les mois à venir ?

FQ : Depuis le début de la grossesse, j’ai cherché à être accompagnée par un staff pour être rassurée de ce qu’il faut faire ou pas. Au final, je me suis vite rendue compte que c’est bien d’être accompagnée mais que chaque femme est différente aussi. Le staff va dire certaines choses mais mon corps va aussi me dire des choses. Il y a des jours où mon corps me dit que je peux sprinter sans aucun problème et mon gynéco va me trouver folle, mais je sens que ça passe et que je peux le faire. A l’inverse, il y a des jours où bébé me dit que juste un footing ça ira. L’essentiel est de s’écouter.

 

5/As-tu facilement accédé à de l’information et de l’accompagnement sur le sujet ? (Poursuite de l’activité pendant la grossesse)


FQ : J’ai eu du mal à trouver un accompagnement tout de suite. A partir du moment où j’ai su que j’étais enceinte, j’ai entamé des recherches et j’ai lu des mémoires sur le sujet avec ce qu’il faut et ne pas faire. Au final, j’étais quand même un peu perdue parce qu’entre la théorie et la pratique sur le terrain il y a toujours une marge. En Guadeloupe, je n’ai pas trouvé tout de suite de staff pour m’accompagner. C’est le kiné du CREPS qui m’a orienté vers une kiné spécialisée dans l’accompagnement de femmes enceintes. Au niveau de la musculation, mes coachs adaptent au mieux et je continue à me renseigner sur le sujet. J’ai d’ailleurs appris beaucoup sur le corps de la femme alors qu’au début j’étais dans un grand flou.

6/ Reçois-tu des réflexions particulières au quotidien ?

FQ : Oui, je reçois beaucoup de remarques. Je sais que c’est bienveillant à la base mais c’est vrai que souvent ce sont des personnes qui ne font jamais de sport et qui, très choquées, me disent : « fais attention ! », « mais pourquoi tu continues ? », voire « mais faut pas faire ça ! ». En réalité, quand on est sportif confirmé, on a des années d’expérience dans l’écoute de son corps et ça les gens ne le comprennent pas forcément. Et puis, je suis la personne qui aime le plus mon bébé donc je ne vais pas le mettre en danger.

7/ Si tu devais laisser un message aux lectrices de TIM’s Magazine qui sont sportives et qui s’interrogent sur la question de la grossesse et de la poursuite de leur pratique sportive…

 

Q : Ne laissez pas la frustration s’installer ! C’est comme pour la nourriture. Pour moi, il ne faut pas trop changer ses habitudes, ni se restreindre. Il faut continuer sa pratique sportive tout en s’écoutant et en adaptant les contenus. Le sport a tellement de bienfaits, même au niveau du cardio pour l’enfant. Je ne donne pas le conseil de commencer si ce n’est pas une habitude mais si elles ont l’habitude de faire du sport, continuer leur fera du bien et si elles se sentent bien, l’enfant se sentira bien. C’est tout bénéfice pour les deux !