Dans la longue liste des agents licenciés de joueurs de football, les Antillais se comptent
sur les doigts d’une main. Parmi eux, Ludovic Edmond, qui a choisi de rester en
Martinique pour exercer son métier.
Derrière chaque joueur professionnel, il y a
en principe un agent sportif. Ludovic Edmond
en est un. L’un des rares Antillais à figurer sur
la liste des agents de joueurs licenciés de la
FFF (Fédération française de football). Mais
comment donc devient-on agent sportif ? Si
l’on tient seulement compte du parcours de
Ludovic Edmond, on se dit que cela peut être
un mélange de pur hasard et, malgré tout,
d’une certaine détermination.
« J’ai tout de
suite vu l’aspect
relationnel du
métier »
Car au départ, Ludovic Edmond ne se destine
pas à cette carrière. Après le lycée, il va préparer un BTS Communication en alternance
à Bordeaux. Ce projet ne l’empêche pas d’assouvir sa passion pour le sport. Ludovic passe
tout le temps qu’il peut à regarder des reportages sportifs. Un jour de grandes vacances,
en 2009, le futur étudiant regarde un reportage sur la chaîne L’Équipe TV. Grâce à cette
émission, il apprend l’existence d’une école
qui forme au métier d’agent de footballeur.
« Cela m’a immédiatement parlé », confie
Ludovic, qui veut en savoir plus. Il prend
contact, se renseigne, mais ne va pas plus
loin. À vrai dire, il n’est à ce moment-là pas
tout à fait prêt à foncer vers un tel objectif. Il
part donc à Bordeaux et entame ses études.
BTS en poche, Ludovic passe des vacances
en Martinique, en 2011, avant de partir pour
Londres poursuivre ses études. Deux ans ont
passé mais l’étudiant d’alors reste un passionné de programmes sportifs. Un jour,
alors qu’il regarde un reportage sur l’agent
de Christiano Ronaldo, Jorge Mendes, Ludovic reçoit comme une révélation. « J’ai appelé
ma mère, se souvient-il, et je lui ai dit, ça
y est, c’est ce que je veux faire ». Le jeune
homme veut devenir agent sportif de footballeur. « De ce métier, j’ai tout de suite perçu
l’aspect relationnel, l’accompagnement du
joueur, l’aspect business. Mais je crois que
je n’étais pas vraiment prêt. J’ai donc continué mes études ».

Accompagner
c’est comme
lancer une
graine, la faire
pousser,
l’entretenir.
Après son BTS Communication, Ludovic
Edmond prépare une licence en Marketing international. De retour de Londres, il
se pose à nouveau à Bordeaux. Deux ans,
le temps d’une profonde introspection. En 2015, direction Marseille. Au programme,
un master en Management du sport, puis
un stage de fin d’étude à Paris en 2017. « A
la fin d’un CDD d’un an, j’ai considéré que le
moment était venu de me lancer. En 2018,
sept ans après sa « révélation », le jeune
homme prend un Congé individuel de formation. « J’ai mis en
avant le fait que dans
nos régions, il y avait
un véritable besoin en
termes d’accompagnement des sportifs et en
particulier des footballeurs ». Ludovic prépare
son examen d’agent de
joueur en s’inscrivant
à l’EAJF, l’école des
agents de joueurs de
football et à la Pegas
Académie.
Un métier aux règles rigoureuses
La formation aborde l’ensemble des aspects
du métier, notamment juridiques : droit
des contrats, droit du sport, droit du travail,
droit des associations, droit des entreprises.
« L’idée, explique Ludovic, c’est de valider un
socle juridique qui permet de comprendre et
lire un contrat ». Un autre pan du programme
et de l’examen porte sur la réglementation
française du football, celle de la FFF, mais
aussi la réglementation internationale, celles
de l’UEFA et de la FIFA. Le programme est
intensif et l’examen une vraie épreuve. Le
taux de réussite est de 15 à 20 %, ce qui
expliquerait, analyse Ludovic, l’importance
de l’exercice illégal de la profession d’agent
sportif. Le cadre juridique est rigoureux : « Les
incompatibilités professionnelles sont nombreuses. Par exemple, je ne peux pas travailler dans un club, cela peut m’exposer à un
conflit d’intérêt. Autre exemple, je n’ai pas le
droit de faire des paris sportifs. Contrevenir
aux règles du métier, c’est risquer de fortes
amendes, voire de la prison. C’est donc un
métier très réglementé ».
Le poids réglementaire de la profession
d’agent de joueur ne dérange pas Ludovic.
« C’est quand même important d’exercer dans les règles. On parle de la vie d’un jeune
sportif, de sa vie personnelle, de la vie des
parents. Cela va au-delà de la simple signature d’un contrat. Ce que j’aime, ce qui me
motive, c’est l’accompagnement du jeune.
C’est comme lancer une graine que l’on fait
pousser et qu’on entretient au quotidien.
Je ne nie pas l’aspect
business, car c’est un
métier, mais je ne veux
pas perdre de vue l’aspect développement
personnel du jeune,
de sa performance ;
le travail en concertation avec les parents.
Je pense que même si
un joueur n’atteint pas
les plus hauts niveaux,
il faut au moins l’aider à
développer des qualités
comme le leadership, la confiance en soi, sa
communication orale, son adaptabilité, etc.
Ces aspects de mon métier sont importants.
Pour moi, ça l’est d’autant plus qu’il y a un
déficit d’accompagnement des joueurs de
nos régions ».
« Tous au vestiaire »
En marge de son activité d’agent
de joueur de footballeur, Ludovic
Edmond développe un programme
qui vise à développer la performance,
le bien-être du sportif et le management de carrière : Tous au vestiaire.
« Plus qu’un projet d’entreprise de
performance des sportifs, il s’agit,
expose le jeune entrepreneur, d’un
projet d’insertion professionnelle et
de développement humain ». Tout
part de son constat : la nécessité pour
les jeunes sportifs ultramarins d’être
accompagnés dans l’optimisation de
leur potentiel, en complément des
dispositifs de suivis mis en place par
les ligues.
——————————– William Joas