La Caraïbe au rendez-vous de la Martingale

La Caraïbe au rendez-vous  de la Martingale

Les 26 et 28 avril derniers, le centre équestre la Martingale accueillait le challenge Inter-Îles. Un week-end entier d’équitation avec plusieurs nations invitées, telles que la Dominique, la Barbade, aux côtés des autres départements Français, la Martinique et la Guyane. Un moment idéal pour prendre le pouls d’une discipline encore assez méconnue. L’équitation se porte assez bien, malgré une tendance à la baisse des licences.

Il est 11 h et la pluie des derniers jours a transformé le coquet centre de la Martingale en une enceinte boueuse. Partout, la gadoue porte les traces en demi-lune du passage des chevaux. Dans l’aire d’attente, les cavaliers patientent, révisent le parcours, font quelques passages au saut d’obstacle. C’est l’épreuve des espoirs. Les cavaliers passent sur des chevaux qu’ils ne connaissent pas. Pourtant, ils doivent leur faire réaliser le parcours parfait en un temps record. « Nous avons en réalité deux compétitions en une. À l’intérieur de la compétition Inter-Îles, une compétition par équipe, le Grand Caraïbe, où s’affrontent la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et le Suriname. Chaque cheval est monté par un invité et un Guadeloupéen », explique Xavier Delloue, président du comité régional d’équitation. Ils devront se distinguer au cours de trois épreuves de saut d’obstacle. À chacune d’elle, la hauteur des obstacles augmente.

« Il y a une épreuve club 2 à 85 cm, une épreuve club 1 à 95 centimètres, et puis une épreuve élite à 1m05 ». Derrière les barrières de l’ère de saut, les Guadeloupéens sont encouragés par leurs clubs respectifs. Les cavaliers, très jeunes pour la plupart, ont un air concentré, perchés sur une montagne de muscles en action. Parfois, un obstacle tremble ; parfois, il tombe, déclenchant une immédiate pénalité. Mais à chaque fois que le dernier obstacle est passé, ils ont la même expression, les mêmes gestes. Ceux d’un respect mutuel entre l’homme et l’animal.

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Jade Martinot cavalière du centre équestre Chevalier Saint-Georges.

La Guadeloupe
aux avant-postes

Les cavaliers guadeloupéens réalisent de belles performances. À l’issue de la compétition, pas moins de 21 parcours sans faute. Dès lors, c’est le temps qui détermine le classement. La jeune Jade Martinot, du centre équestre Chevalier Saint-Georges, arrache la deuxième place du concours Espoir. Sa monture est petite mais courageuse face aux obstacles. « J’ai connu l’équitation à six ans et j’ai commencé la compétition pour le jeu et le plaisir. Et ça me plaît vraiment. Ma jument est petite, mais elle est belle et elle a été à fond pendant toute la compétition. » Cette concentration des deux compétitrices est acquise au prix de très longs entraînements.

« Il faut bien répéter la technique du saut. Si le cheval ne sait pas ce qu’il doit faire le jour de la compétition, c’est dangereux pour lui, mais aussi pour le cavalier. On s’entraîne et on travaille vraiment comme une équipe. » De quoi mettre à mal le mythe du « cheval qui fait tout ».

Classement définitif du Grand Caraïbe

1 Guyane > 32 pts

2 Martinique > 22 pts

3 Suriname > 18 pts

4 Guadeloupe > 8 pts

3 QUESTIONS À

Xavier Delloue

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Xavier Delloue.

Président du Comité Régional d’Equitation de Guadeloupe et directeur du centre équestre la Martingale.

TIM’s : L’Équitation est un sport assez discret. Comment se porte la discipline dans le département ?
Xavier Delloue : Elle se porte très bien. Nous avons connu ces dernières années une phase descendante, nous avons perdu des cavaliers alors que de nouveaux clubs se sont créés. Mais c’est un petit peu une tendance générale. Dans l’Hexagone, on observe le même phénomène. Donc, nous espérons freiner cette dynamique et conquérir de nouveaux cavaliers.

TIM’s : Quelles sont les stratégies mises en place pour contenir cette tendance baissière ?
X.D. : Nous essayons de développer une discipline qui s’appelle le « horse ball ». C’est un peu comme du basket à cheval. Elle engage quatre cavaliers dans chaque équipe. La discipline est très ludique, attractive pour le public, et nous avons soutenu le développement de cette activité par un évènement organisé par le centre équestre La Manade. Cette nouvelle option nous offre aussi l’opportunité d’attirer plus d’hommes à l’équitation. La plupart des cavaliers sont en fait des cavalières. Il y a 95 % de filles dans les centres d’équitation. Et d’autre part, nous voulons développer l’équitation pour adultes en faisant des reprises spéciales car ils n’ont pas les mêmes ambitions. Ils veulent surtout monter ensemble dans une ambiance conviviale. Quoi qu’il est soit, le sport plaît car le cheval est un animal sympathique.

TIM’s : Les clubs sont-ils forcément des écoles d’équitation ?
X.D. : Je ne pense pas que chaque club de Guadeloupe dispose du label École Française d’Équitation. Mais nous voulons tendre vers cela afin que tout le monde ait ses enseignants et ses cadres par les diplômes d’État. Plus les clubs ont de bons chevaux et de bons encadrants, plus les cavaliers progresseront.

Vivre pour la grâce d’un saut

Les 26 et 28 avril derniers, le centre équestre la Martingale accueillait le challenge Inter-Îles. Un weekaAurélie Baptiste est cavalière depuis 22 ans. De longues années passées à cheval, à vivre pleinement sa passion et sa communion avec l’animal avant de tomber dans la compétition. Un nouveau tournant décisif pour la cavalière.-end entier d’équitation avec plusieurs nations invitées, telles que la Dominique, la Barbade, aux côtés des autres départements Français, la Martinique et la Guyane. Un moment idéal pour prendre le pouls d’une discipline encore assez méconnue. L’équitation se porte assez bien, malgré une tendance à la baisse des licences.

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« L’équitation, pour moi, c’est vraiment un plaisir ». Pourtant, en ce jour de compétition de saut d’obstacle élite, Aurélie Baptiste ne sourit pas. Son regard est déterminé. Lors de la phase de reconnaissance qui précède le début du concours, la jeune femme est extrêmement concentrée. Elle slalome entre les obstacles, sa ride du lion froncée. Elle entrera sur le parcours en deuxième position, juchée sur Thalia, grande jument Selle Français. À la sonnerie, Thalia est lancée au trot. Ensemble, elles effacent les obstacles les uns après les autres. Tout aurait pu être parfait, sans cette dernière barre, touchée par le sabot avant gauche de Thalia. Elle tremble, une seconde, deux, et s’effondre. Quatre points de pénalité, quatre lourdes secondes sur le temps final. Quand elle met le pied à terre, Aurélie est frustrée et déçue.

« Tout était parfait, presque parfait. La dernière barre… la dernière. » Sa grande déception rend difficile de croire qu’il y a encore quatre ans, Aurélie était loin de la compétition. « Je ne m’en étais jamais préoccupée. C’est un ami coureur cycliste qui m’a poussé à me challenger, à connaître mon niveau. Du coup, je m’y suis attelée et il avait tout à fait raison, ça change la vie. » Les leçons de la compétition s’avèrent aussi utiles sur le parcours que dans la vie.

Du tract au haut niveau

Alors qu’elle n’était qu’une enfant, la jeune Aurélie reçoit chez sa famille un tract vantant les services d’accueil pour enfants d’une grande ferme. « Il y avait tout, des poules, des cochons, des canards. C’était une sorte de CLSH où l’on apprenait la vie à la ferme. » Dans les écuries, elle voit les chevaux. Un regard qui scelle la passion d’une vie. « Le coup de foudre a été immédiat. Une vraie drogue. » Pendant vingt-deux ans, elle vit sa passion tranquillement, dans un centre équestre pas axé sur la compétition. Poussée par son ami, elle change de centre équestre pour prendre part aux compétitions. Elle franchit les portes de la Martingale et rencontre Thalia. Elle est plus massive que les montures qu’elle connaît. La femme et la jument doivent s’apprivoiser.

« C’est un long travail. Le cheval est à notre écoute, il faut créer un réflexe. On réapprend à marcher avec l’animal. » Une fois les présentations faites, les compétitions s’enchaînent. Aurélie arrive à décrocher quelques podiums, mais ce n’est pas encore ça. « Nous avons quelques détails à travailler ensemble encore, mais j’ai confiance, nous y arriverons. » Et pour cela, il faut s’entraîner, développer une relation de confiance, séance après séance. « L’une des choses qui me plaît, c’est que le cheval est toujours calme. Il relativise tout car il ne connaît pas l’environnement ambiant. C’est parfait pour canaliser le stress. » Elle découvre aussi l’entraînement. « Il faut muscler le cheval et se muscler soi-même. Cela passe par un procédé que l’on appelle la mise en scène. » Ce moment à part dans le programme d’entraînement lui permet de renouer avec le plaisir. Un plaisir que le stress de la compétition n’aura pas altéré, mais rendu plus intense.