Karaté

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Premiers pas gagnants dans l’Hexagone

Hendrick Confiac a foulé en septembre dernier la terre de la région parisienne, pour ses études, mais surtout pour donner une nouvelle dimension à sa carrière de Karaté-Ka (+84kg). Licencié au Budokan de Thiais, le jeune homme sait où il veut aller, malgré des olympiades quasi impossibles.

TIM’s : Comment se sont passées vos premières semaines dans l’Hexagone ?
Hendrick Confiac : Je suis arrivé en France avec ma mère, qui m’a trouvé le club, et j’ai commencé l’entraînement dès septembre. Mes séances durent 1h30 à 2h chaque jour. Malgré cela, j’ai pu m’intégrer rapidement. J’ai pu constater une différence par rapport à mes entraînements en Guadeloupe. Maintenant que je peux comparer les deux méthodes, la Guadeloupe propose un entraînement assez uniforme, même s’il est qualitatif. Le petit plus dans mon club, c’est que, de temps en temps, on a des entraînements personnalisés. Ça booste la confiance et cela permet à l’entraîneur de nous connaître un peu mieux.

TIM’s : C’est l’explication de votre très belle performance aux récents championnats de France ?
H.C. : Bien sûr. Je suis arrivé à la compétition en forme, physiquement et mentalement. J’étais prêt, j’avais fait de belles compétitions, et très honnêtement, j’ai fait une des meilleures compétitions de ma vie. Le gros bémol, c’est que ça s’est arrêté en finale car je n’ai pas su gagner.

TIM’s : Qu’est-ce-qui vous a manqué ?
H.C. : En réalité, j’avais déjà rencontré mon adversaire et j’avais déjà gagné contre lui. Mais il a fait sur moi un travail approfondi. Il m’a examiné avec son entraîneur et il connaissait mes points faibles.

TIM’s : En dépit de ce petit bémol, les choses pour vous sont bien parties. Quelles sont vos ambitions ?
H.C. : J’aimerais rentrer en équipe de France. J’aimerais faire partie des titulaires, aller à l’international, et participer aux championnats d’Europe et du monde. Maintenant, pour les olympiades 2020, ça va être très compliqué, car il faut gagner un certain nombre de compétitions pour y participer et, dans mon cas, je n’ai plus assez de temps pour remplir ce contrat.

TIM’s : Et si les choses restent en l’état, vous n’aurez pas votre chance en 2024. Comment réagissez-vous à cela ?
H.C. : Mon sentiment est le même que celui de tous les autres karaté-ka. Ils ont été nombreux à montrer leur dégoût sur les réseaux sociaux. C’est vraiment dommage, c’était notre première participation, et nous n’avons pas fait nos preuves que nous sommes éjectés, alors que le niveau international est très élevé. Le seul niveau national, lui-même, est déjà particulièrement relevé.

TIM’s : En attendant, il vous reste l’équipe de France. Et il semble qu’elle vous ait déjà remarqué.
H.C. : Remarqué, je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que mes derniers résultats m’ont valu une convocation pour participer à des entraînements avec d’autres nations. Ce sont des stages organisés par l’équipe de France où les meilleurs sont réunis pour savoir qui décrochera, à terme, son ticket pour intégrer l’équipe nationale. Et les contacts seront rassurés par mon travail. Mes performances parlent pour moi. Mon entraîneur était content et un peu surpris car il ne s’attendait pas à ce que mon niveau augmente aussi rapidement, et c’est pour cela que nous avons hâte de reprendre les entraînements pour confirmer ma place.

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Hendrick Confiac.

Un entraînement sans concession pour l’élite

Issus de tous les niveaux et clubs de la Guadeloupe, les jeunes espoirs du karaté sont régulièrement réunis et étroitement encadrés. Les séances d’entraînement collectif des meilleurs éléments de la discipline permettent aux cadres techniques de veiller à ce que le niveau puisse répondre aux exigences internationales.

Il fait chaud dans cette petite salle introuvable du Gosier. Et pourtant, la quinzaine de jeunes qui s’y active ne semble ne pas y être sensible. L’écho de leurs Kiai* s’élève, vibrant jusqu’à concurrencer celui d’une cérémonie religieuse qui se déroule non loin. Les visages sont concentrés, presque graves, ce n’est pas une séance d’entraînement ordinaire. C’est l’une des sessions de préparation à l’un des événements majeurs de la saison, le kimono d’or. Geneviève Pommier ne laisse rien passer. Elle déambule entre les combattants en donnant de la voix. Quand elle corrige, ses mouvements sont fluides, précis, directs. Elle donne l’exemple à cette sélection qui aura la mission de porter les couleurs de la Guadeloupe lors de compétitions nationales ou internationales. « Nous rassemblons ces jeunes après les avoir observés en compétition et en fonction de leurs résultats. Notre but, c’est de créer une équipe de Guadeloupe exportable. Mais nous devons aussi tenir compte de leurs plannings d’entraînement en club pour ne pas risquer les blessures pour surentraînement. » Ces mots, elle nous les glisse en ne quittant pas ses recrues de l’œil. L’exemple à suivre est celui de Hendrick Confiac qui vient (le 14 avril 2019) d’arracher une deuxième place aux championnats de France seniors.

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© Intrusive pictures
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Suivre le rythme

Cette exigence de l’excellence est nécessaire. Car la Guadeloupe a fort à faire pour tenir le rythme face à des niveaux, national et international, en progression. « Nous avons certainement eu de belles heures les années précédentes, mais maintenant, il y a tellement de clubs qui sont en pointe et qui sortent des combattants performants, qu’il est très difficile de se faire une place au soleil. » Les qualités physiques à elles seules ne suffisent plus, il faut leur ajouter des qualités techniques frisant la perfection. Cette stratégie relativise les résultats mais infuse aussi dans le cercle des athlètes. « Nous avons tous de grandes ambitions, l’objectif pour nous est de tout faire pour aller le plus loin possible », dira Manuel-Joël Guiriaboye au sortir de l’avion après les Open de New York. Rien n’est jamais acquis ou gagné, et les licenciés du karaté, moins gâtés que dans d’autres disciplines, se comportent comme ces sportifs qui ont la certitude qu’il va falloir tout arracher pour prétendre à la reconnaissance.

*Cri de combat

Focus sur une stratégie payante

Enide Gantois, ancienne championne de karaté, est arrivée à la tête de la ligue à un moment crucial de son existence. Entourée de son équipe et de l’ancien président, elle a mis en place une stratégie de redressement qui est en train de donner ses premiers résultats.

1 - Muscler l’encadrement

La ligue guadeloupéenne de karaté s’est dotée de l’ensemble des cadres qui lui faisait défaut. Un responsable des grades, un directeur technique de ligue (DTL) et un responsable de la formation. Des modifications majeures qui se sont faites au prix d’un voyage vers la fédération. « Je ne me suis pas gênée pour dire que si le karaté allait mal, c’est parce que les DOM avaient été oubliés. » Du coup, la piqûre de rappel a permis à la ligue de recevoir du matériel conforme et les ressources nécessaires à la constitution d’une meilleure équipe technique.

2 - Détecter l’élite

Grâce à un travail mené de concert avec les différents clubs de Guadeloupe, le DTL a recruté les meilleurs espoirs pour les réunir au sein d’une sélection. « Deux à trois fois par mois, ces jeunes se rencontrent pour un entraînement spécifique avec Geneviève Pommier. » Cet entraînement permet de consolider le travail mené en club ainsi que de rencontrer les autres pour une meilleure cohésion d’équipe. Pour autant, cette stratégie ne signifie pas que l’on néglige le karaté de masse qui permet d’alimenter l’activité des clubs et de la ligue.

3 - Établir un calendrier de compétitions

L’adage dit : « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». Les karatékas guadeloupéens ont beau montrer de belles dispositions, sans adversité, ils n’ont pas une idée réelle de leur niveau. « Il nous fallait augmenter le rythme des compétitions de manière à ce que nos jeunes se confrontent à ce qui se fait de mieux. » Les championnats de France, bien qu’étant une étape importante, ne suffisent pas comme objectif. Désormais, les karatékas guadeloupéens participent aux Open de New York, ainsi qu’à l’Open de la Caraïbe qui se tient en Martinique. Ces compétitions confortent le Kimono d’Or, rencontre internationale et moment fort du calendrier local.

4 - Travailler le mental

Un coach mental intervient désormais auprès de la sélection de Guadeloupe. Que ce soit en combat ou en technique, il aide les meilleurs éléments à aborder sereinement une compétition et à avoir la bonne construction mentale pour réagir durant un combat. « Nous avons constaté que les jeunes pêchaient au niveau du mental. Ils abandonnent trop vite. Il faut se bâtir un mental de guerrier », déplore Enide Gantois. Ainsi, ce support complémentaire a intégré l’équipe de préparation physique. « Il a plusieurs sessions, mais il n’hésite pas parfois à les emmener avec lui en forêt, dans un certain isolement. » De quoi se bâtir une belle rage de vaincre.

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Enide Gantois. © Intrusive pictures