Dominique THÉOPHILE

Dominique THÉOPHILE
Dominique Théophile est un homme politique, sénateur de la Guadeloupe. Il est aussi très engagé dans le sport. Hier en tant qu’élu (municipal des Abymes, départemental et régional), il a présidé pendant de nombreuses années une commission des sports. Le parlementaire pense que la Guadeloupe a toutes les chances de redresser la barre en matière de sport. Selon lui, il faut faire revenir le peuple au stade et tout miser sur la formation des cadres. Le point avec Dominique Théophile, à qui le gouvernement vient d’attribuer une mission sénatoriale sur le développement de la pratique sportive
TIM’s Magazine : Quelles sont vos ambitions pour le sport en Guadeloupe et son développement ?

Dominique Théophile C’est le sport qui donne ce rayonnement à la Guadeloupe et aux Outre-mer. Une attention particulière doit être portée sur ces activités, qu’il ne faut pas voir que sous l’aspect des performances mais aussi en tant que loisirs. Il faut cependant professionnaliser l’encadrement. Le sport est bon pour la santé, il sert à lutter contre la sédentarité, or nous avons 40% des jeunes de moins de 15 ans en surpoids. Beaucoup de pathologies peuvent trouver une solution dans la pratique sportive. La Guadeloupe est une terre de champions, on doit en faire aussi une terre de pratiquants. On doit passer par là pour construire le pays.
T. M. : Notre archipel a toujours été un grand producteur de grands athlètes, malgré l’éloignement. Cela va-t-il perdurer ?

D. T. : On est sur un terrain naturel de la performance. Nous avons une aptitude naturelle à être des champions, nous sommes taillés pour être de bons sportifs et on aurait pu aller plus loin si les équipements et l’environnement du sport (formation et professionnalisation) étaient suffisants et normés. On pourrait produire deux fois plus de champions et de jeunes qui réussissent si nous avions les équipements adéquats. On a beaucoup d’équipements qui ne sont pas aux normes.
« On pourrait avoir deux fois plus d’athlètes de haut niveau »
T. M. : Nous sommes à quelques mois des JO. Êtes-vous confiant sur les aptitudes de nos jeunes à s’illustrer ?

D. T. : Dans certaines disciplines, oui. On a des équipements qui pourraient les accueillir, leur permettre de progresser. On a une piste connectée, un équipement de haute technologie au CREPS. Mais l’athlétisme a pris un coup depuis vingt ans. On a perdu en licenciés et en encadrements performants. Le rôle que jouait l’UNSS avant n’est plus le même. Il faut aujourd’hui un accord entre les sports scolaires et les clubs. Certains peuvent briller ici, notamment au surf, mais beaucoup de disciplines ont des soucis pour se développer car les encadrants ne sont pas suffisants pour monter en gamme.
T. M. : Certains athlètes méconnus pourraient alors décrocher une médaille ?

D. T. : En athlétisme, sans doute, ou dans des disciplines émergentes, voire des jeunes ultra marins qui sont à l’Insep. Mais ce ne sont pas des championnats de France, il faudra attendre la confrontation. On a des Guadeloupéens en sport collectifs qui sont formés au niveau national, mais très peu qui sont directement choisis ici. Ils restent deux ou trois ans, mais doivent partir ensuite.
T. M. : Il faut donc voir au-delà des prochains jeux ?

D. T. : Les athlètes sont déjà sélectionnés pour l’an prochain, le sport va très vite. Et 2028 se prépare déjà. On peut disposer du vivier qu’on a en Guadeloupe, regarder nos faiblesses, augmenter les entraineurs de bon niveau, ceux qui sont là sont bons, mais pas assez nombreux. On doit prendre des décisions très tôt. Le temps de faire les études, le temps de financer. Si on veut mettre aux normes, on doit commencer les travaux maintenant. Les résolutions et auditions qui sont menées vont faire apparaitre des propositions qui seront mises à disposition du gouvernement. Pour permettre, dans les champs indiqués, de préparer le financement car il faut au minimum quatre ans pour préparer les olympiades.
T. M. : Vous faites en partie allusion à la mission sénatoriale que vous conduisez actuellement sur le développement de la pratique sportive. En attendant les conclusions de votre rapport, vous avez déjà quelques pistes ?

D. T. : Je suis en mission aujourd’hui pour une évaluation des politiques sportives en Outre-mer. On est terre de champions mais pas vraiment des terres de pratiquants. Il faut mettre plus de jeunes dans le milieu sportif, structurer les clubs, revoir la relation entre les ligues et comités et leurs fédérations. Il faut mettre en place des maisons régionales de la performance aux côtés du CREPS, pour mettre en place un suivi psychologique et sportif. Il faut structurer les comités régionaux, recenser les besoins pour qu’ils soient connus pour pouvoir mieux fluidifier les financements et les besoins.
T. M. : Cela veut-il dire que nous aurons de nouveaux équipements, des gymnases par exemple ?

D. T. : Il ne manque pas tant d’équipements que ça, mais plutôt de mises aux normes. Certains équipements n’ont pas l’eau chaude, de conditions confortables, d’espaces de massages. On ne doit pas jouer petit bras quand on veut avoir des athlètes de haut niveau. On n’a pas besoin de stade de 20 000 places ou de gymnase de 10 000 places mais on doit concurrencer en matière de qualité. On configure l’équipement en fonction de la population. Il faut faire du taillé sur mesure.
T. M. : Comment faire venir le public aux matches ?

D. T. : Si on remet des gens au sport, on a plus de licenciés. Si les enfants ont à cœur de profiter de leur discipline, que les performances sont homologuées, ils viendront au stade. Les jeunes suivent les championnats de Ligue 1 plus que la Régionale 1. Quand on aime une activité, on y vient. Si on avait un bon niveau lié aux équipements, les gens viendraient au stade. On doit aider les clubs à envoyer leurs dirigeants se former. On doit détecter les besoins des ligues et comités. On peut faire revenir les gens
T. M. : Est-ce qu’il y a des ligues et comités qui réussissent mieux que d’autres ?

D. T. : La ligue de foot se bat et arrive à décrocher des financements. Ce n’est pas simple. On doit se demander comment travailler avec nos leaders sportifs comme atout économique pour les clubs. Faire des labels de certains produits pour financer les développements. L’utilisation du droit de l’image peut-être un exemple. Une autorisation pour une cause. On repère des jeunes et on les fait monter au CREPS, mais il faut des moyens pour que l’on puisse payer les déplacements, les kinés. Pour être bon, en foot, en cyclisme, ou autre, il faut des moyens, se mettre dans les bonnes conditions.
T. M. : Beaucoup d’Antillais et singulièrement de Guadeloupéens ont pourtant réussi à percer…

D. T. : : Quand on dit qu’un Guadeloupéen est en équipe de France, il est souvent né à Paris, il ne connait pas vraiment la Guadeloupe. Ses parents ont grandi ici, mais c’est rarement le cas pour ceux de cette génération qui ne connaissent pas le sport ou le foot local. Donc pour aider nos jeunes qui jouent ici, on va devoir réorganiser des tournois internationaux en football par exemple, comme on l’a fait auparavant. Aujourd’hui 80% des jeunes de Dortmund ont joué le tournoi U15 en Guadeloupe, trois quatre à Paris, 8 à Sochaux. Quand on a arrêté le tournoi, on a raté à un ou deux ans près de gros joueurs. On fait venir Santos. Et des clubs européens. C’est bon pour la confrontation, nos jeunes en ont besoin. Et cela crée une relation car les jeunes restent en contact. On devrait faire en sorte que nos jeunes partent d’ici comme quittant un club formateur pour que les clubs perçoivent de l’argent. Les conditions sont réunies pour que l’on avance. Pour Bélocian cela a marché, il s’est très longtemps entraîné ici. Le sportif de haut niveau est une machine, cela demande de l’entretien, de la qualité.
T. M. : Vous êtes confiant pour la suite ?

D. T. : :Très confiant parce qu’on peut y arriver, si on fait les choses comme il le faut. Cela sera un vecteur de socialisation et on peut éviter que les jeunes partent à la dérive. Le sport, c’est une bonne fabrique pour l’homme. La Guadeloupe doit continuer à produire des champions.
————————— Entretien William Joas