Double champion du monde du saut en longueur en entreprise, Max Joureau va tenter de réaliser une grosse saison en 2023. Motivé, il compte sur son « fighting spirit ».
Max Joureau :Le sport est un exutoire, donc j’ai continué à courir pour être en forme et garder le moral. Avant le Covid, je préparais des championnats. Tout arrêter a été un choc. J’ai tout fait pour ne pas flancher, donner l’exemple à mes enfants. Il fallait rester le capitaine de mes efforts, continuer à croire dans la vie. Se dire que la vie reprendrait et que je pourrais poursuivre mon rêve de représenter dignement la Guadeloupe.
T. M. : Comment un sportif en entreprise arrive-t-il à concilier vie de famille et entraînements ?
M. J. :Ce n’est pas simple du tout, avec une famille et des enfants adolescents. Il faut trouver un bon timing. Être éducateur (NDLR, au sein du GAC Gosier Athletic Club) m’a facilité la tâche. J’ai pu m’entraîner quatre fois par semaine, montrer aux enfants qu’on n’a rien sans peine. Les impliquer, leur faire comprendre que le sport est l’école de la vie, qu’il y a toujours des efforts à fournir. Je leur ai montré qu’il est possible de reprendre le sport après des années d’arrêt. Ce principe est valable dans la vie de tous les jours.
T. M. : Tes enfants se passionnent pour le
sport et suivent ton exemple ?
M. J. : Mon fils, qui a treize ans, est repéré
au niveau du foot. Je le prépare, s’il peut
devenir pro. Mais comme je le lui dis, s’il
n’est pas pro demain, il sera un homme. Je
m’entraîne avec lui, il m’encourage, je l’encourage. Ma fille est bonne en basket. Mes
enfants ont la fibre sportive mais je ne les
force surtout pas. Ils s’amusent. Par le sport,
ils peuvent apprendre le courage, l’abnégation. Je souhaite que d’autres fassent
pareil demain.

T. M. : N’as-tu jamais eu le regret de
n’avoir pas embrassé une carrière professionnelle ?
M. J. : J’ai eu l’opportunité, à quatorze ou
quinze ans, d’être enrôlé par Carl Lewis.
Mais ma mère a refusé, préférant que je
fasse mes études. Il y a eu des regrets mais
avec le recul, je me dis que c’était peut-être
le bon choix. J’aurais peut-être été pro, mais
sans le succès que j’ai eu. J’ai pu partager
ma réussite, encourager d’autres, leur permettre de croire en eux. Je suis fier de tout
ce que j’ai vécu. La vie ne se déroule pas
toujours comme on le souhaite, il faut se
battre pour ses rêves. Il faut se discipliner,
être déterminé. J’ai eu ce que je voulais, je
poursuis dans la transmission.
T. M. : À quel moment, en tant que salarié, tu t’es dit : « Je me lance dans les grands défis du sport en entreprise » ?
M. J. : J’ai pratiqué du sport à l’âge de 22 ans et avant de reprendre (à 37 ans), il n’y avait plus de discipline : on sort, on boit, on mange, on ne se prive plus. Ma prise de poids et la naissance de mes enfants m’ontfait réaliser qu’il fallait réagir. Je n’étais plus
le même, il y avait des risques cardiaques.
Dans mon entreprise, il y a eu la chance de
faire du sport en entreprise. J’ai fait des
sacrifices, adopté une hygiène alimentaire,
proscrit les sorties. Je me suis reconstruit.
T. M. : Malheureusement, il n’y a pas de
JO pour les entreprises, ça aurait été ton
rêve d’y participer ?
M. J. : Ce serait le graal ! Je pense que c’est
quelque chose à mettre en place dans l’avenir. Qui sait, si cela se fait, j’y participerai
à 51 ans… Il y a beaucoup de potentiel
méconnu aux Antilles. Je me suis contenté
d’être champion du monde à deux reprises,
mais s’il y a des JO demain, je me mettrai en
selle pour obtenir le titre, ce sont les titres
qui m’intéressent.
T. M. : Tu espères décrocher un autre titre
mondial ?
M. J. : Oui, bien sûr. C’est cent trente-sept ou
cent quarante pays qui participent. Être sur
la plus haute marche du sport en entreprise,
c’est énorme. Je l’ai fait à deux reprises,
j’aurais aimé que les sacrifices effectués, le
fighting spirit qui m’anime encore, me permettent de briller. Je cours pendant que les
autres dorment, et même si je suis second,
je sais que j’ai donné le meilleur de moi.
T. M. : Quelles sont tes ambitions pour
cette saison 2023 ?
M. J. : Persévérer. Il est plus facile de briller
que de durer. J’aimerais avant tout représenter au mieux la Guadeloupe, si je devais
participer aux championnats de France cette
année. Remporter des titres fait partie de
mes projets.
————————————– Entretien William Joas